Sur Snapchat, ma mairie a trop le swag !

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2016 sera l’année Snapchat. Forte de 6 milliards de vidéos vues et de 100 millions d’utilisateurs actifs au quotidien, l’application préférée des ados entre dans la cour des grands, avec un argument de taille : avoir réussi à captiver la cible mouvante des 13-25 ans. Alors que les marques, les médias, le Parlement européen, la Maison Blanche, ou encore l’Elysée plus récemment, l’ont intégré dans leur stratégie éditoriale à destination des jeunes, les collectivités locales présentes s’y comptent encore sur les doigts de la main. Pour préparer le coffee-camp du dernier forum Cap’Com, je suis allé à la rencontre de ces « éclaireurs ». Que font-ils sur Snapchat ? Quel premier bilan en tirent-ils ? Comment s’organisent-ils ? Zoom sur les usages de ce club très fermé des cinq sept premières collectivités françaises sur Snapchat : Toulouse, Mâcon, Saint-André, Romans, Garges, ainsi que deux petits nouveaux, Saint-Dizier et Châteauroux, où le maire est aux commandes.  

Chez les moins de 25 ans, c’est un véritable phénomène de société : quand deux jeunes de la génération Y et Z se rencontrent, ils se donnent leur snap, comme leurs grands frères s’invitaient sur Facebook, ou leurs ancêtres s’échangeaient des 06… Cela n’a pas échappé aux chasseurs de tendances qui avaient repéré depuis quelques années la montée en puissance de ce réseau social d’échanges éphémères, né en 2011. Pourtant à ses débuts, qui aurait pensé que cet outil servant surtout à s’échanger des sextos, allait rivaliser avec Facebook, Google et Apple dans la bataille de l’actualité en temps réel, ou encore être le centre d’attention de l’élection américaine 2016 (dite « la présidentielle Snapchat ») ?

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Oui, tout part d’une histoire de SMS coquins. Car c’est bien suite à l’affaire Anthony Weiner, un élu de New-York ayant dû démissionner après avoir envoyé des photos à caractère sexuel à différentes femmes sur Twitter, qu’Evan Spiegel et Bobby Murphy, ses deux inventeurs, ont eu l’idée (géniale ?) de l’application !

Cette évolution n’a pourtant rien d’une première : avant de devenir « le réseau des amis », adossé à la grosse machine marketing qu’on connaît, Facebook avait lui-même été, à ses débuts en 2004, une sorte de Tinder, comme le raconte le film « The social network« .

The social network

tinder

De nouvelles fonctionnalités

Il faut dire que les fonctionnalités de Snapchat ont bien évolué en cinq ans ! Petit tour de piste.

      • > Stories
        Au-delà de l’envoi de contenus éphémères, Snapchat propose depuis 2013 une fonctionnalité permettant à chacun de compiler les snaps (photos ou vidéos agrémentées de texte) de sa journée par ordre chronologique, dans des Stories visibles 24h. Ceux qui n’y voient pas d’intérêt diront que les jeunes en reviennent à la « vacuité » des débuts de Facebook, comme le décrivait Jérôme Commandeur dans son sketch culte : « 15h, Jean-Jacques a mangé un paquet de Pépitos. 15h30, Jean-Jacques n’a plus faim. 16h Jean-Jacques a envie de gerber ». Mais les autres, et notamment les institutions, y verront une formidable opportunité de faire « du storytelling en pic speech instantané ». En Français dans le texte : raconter des histoires dans le sens noble du terme, avec les codes de « l’écrit imagé » et l’authenticité d’une vidéo ou photo « prise à l’arrache ».
    • > Discover
      Depuis janvier 2015, Snapchat est devenu une véritable plateforme média grâce à Discover, une nouvelle fonctionnalité ouverte pour l’instant uniquement aux anglo-saxons disposant de moyens importants, comme CNN, National Geographic ou BuzzFeed. Un moyen pour eux de cibler une tranche d’âge stratégique. En moyenne, ce sont plus de 160 sujets éphémères, qui sont vus chaque mois par 60 millions d’utilisateurs. Le gain d’audience est énorme pour ces « early adopters » à la conquête de la jeunesse : près de 30% du trafic de BuzzFeed Us viendrait aujourd’hui de Snapchat ! Pour beaucoup, c’est l’avenir du journalisme : « les utilisateurs qui nous consomment sur Snapchat ne nous consomment nulle part ailleurs” commente la directrice des réseaux sociaux de CNN.

    • > Live stories

      Avec les Live stories, ou « histoires en direct », Snapchat s’attaque à l’immense part du gâteau détenue autrefois par Google sur l’actualité en direct et entend clairement rivaliser avec Facebook et ses Instant Articles / Notify, Twitter et ses Moments, ou encore Apple qui intègre les actualités dans son système depuis l’iOS9… Ici l’information est 100% crowdsourcée et forme des mini-reportages. Le live story de Paris, consulté par 100.000 franciliens, n’est pas raconté par l’institution, mais par ses habitants.XVM84edb844-945b-11e5-b37d-03ded7b97a90

    • > Lenses
      Snapchat a encore testé une nouveauté depuis la rentrée : les Lenses, des filtres stylisés sous forme d’animation, utilisables uniquement en mode selfie, qui se renouvellent tous les jours… et dont certains sont payants. Oui, car se rajouter un nez rouge ou du vomi magique, sur Snapchat, c’est marrant, qu’on se le dise ! Devant l’énorme succès de cette fonctionnalité, la plateforme vient de l’étendre à l’appareil photo dorsal et mise sur les Lenses sponsorisés dans son modèle économique.

    • 1431829765443830305Crédit photo : Gizmodo  (et je me demande quel sera le 1er Maire à franchir le pas !)

    • > Geofilters

      Parce que cette fonction représente l’un enjeu des plus stratégiques, Snapchat a récemment ouvert à tout le monde la possibilité de créer des Geofilters, qui sont des « tags géo-localisés » permettant de filtrer de manière originale le contenu d’un territoire.
  • > Story explorer  
    Dernière-née de toutes ces fonctionnalités qui sont loin d’être des gadgets, Story Explorer répond au défi « user centric », avec l’information personnalisée. On y trie ses contenus par centres d’intérêts, avec des suggestions que vous fait Snapchat en fonction de vos affinités.

Collectivités locales : le club des 5 pionniers

L’appel avait été largement relayé pour préparer le coffe-camp du forum Cap’Com 2015, et pourtant : seules quatre collectivités locales en France étaient recensées en décembre dernier, lors de l’atelier Cap’Com ! Alors que les instances nationales, européennes, touristiques ou culturelles – notamment les musées – n’ont pas hésité à s’y déployer, les territoires regardent encore Snapchat comme un OVNI.

Toulouse, Mâcon, Saint-André, Romans, Garges. (Mise à jour : et dernièrement Saint-Dizier et Châteauroux, premier EPCI de France). Cinq Sept villes et zéro région, département, ou EPCI. Et pourtant, c’est bien sur ce réseau qu’il souffle un vent nouveau, pour celles et ceux qui veulent « expérimenter » et innover avec intelligence, en créant du lien avec les jeunes. On y retrouve ce même espace et esprit de liberté qui planait sur Facebook en 2006-2007, lorsque les explorateurs du champ public territorial y faisaient leurs premiers pas… Au pire, peu de monde les voyait glisser.

Tous les responsables de communication le savent bien : c’est rarement avec leur magazine qu’ils peuvent toucher les moins de 25 ans !  Alors, que doit-on faire ? L’intégrer comme une « fatalité » ? Quant à ceux que j’ai entendu me dire, en 2015, « on va créer une page Facebook pour cibler les jeunes » (ils se reconnaîtront, je les embrasse), je leur souhaite bonne chance sur le « réseau social des vieux » !

Alors, tous sur Snapchat ?, se demande Antoine Gazeau de l’excellent magazine Brief. Comme le community manager de Toulouse, je ne pense pas que ce réseau soit fait pour toutes les collectivités. Loin de moi l’idée de vous conseiller de vous y lancer tête baissée, sans stratégie ni KPI. En revanche, la question mérite sérieusement d’être étudiée, surtout si vous prétendez vous adresser aux jeunes générations. On l’a vu au coffe-camp du forum Cap’Com : celles et ceux qui ont « un ado à la maison » avaient une longueur d’avance sur la compréhension et les usages possibles de l’outil ! Quant aux autres, ils semblaient bien déroutés par cette interface pourtant si simple et intuitive pour les X et Y. C’est dans ces moments qu’on « se sent vieux », car on voit bien que l’outil n’a pas été pensé pour soi…

Chez CNN, 4 personnes à plein temps s’occupent de Snapchat

Parmi les freins qui sautent aux yeux : le fossé entre cette « culture de l’éphémère » et celle des collectivités locales. Ensuite, pour ceux qui ont les mains dans le cambouis, le manque de statistiques oblige de naviguer à vue, loin des tableaux de KPI souvent bien rodés pour les autres réseaux sociaux. Mais le vrai motif d’y réfléchir à deux fois, tout le monde ne l’a peut-être pas encore identifié : Snapchat coûte cher, en temps et ressources humaines. Car il n’est pas question d’y publier ce qui l’a été ailleurs. Chez CNN, ce sont pas moins de quatre personnes à temps plein, deux éditeurs et deux designers, qui ont été embauchées pour créer du contenu sur Snapchat. On en compte jusqu’à dix chez Refinery29. Si la question ne se pose pas en ces termes dans les collectivités locales, celle du temps et des ressources humaines dédiés à la fonction community management est en revanche cruciale.

Voir le storify de l’atelier Cap’Com

  Faut-il le rejeter pour autant ? Avant de vous faire votre propre jugement et de le confronter à vos objectifs de communication, je vous invite à découvrir l’envers du décor et les retours d’expérience de ces cinq sept explorateurs du champ public, que sont Toulouse, Mâcon, Saint-André, Romans, GargesSaint-Dizier et Châteauroux,  

Toulouse snape avec près de 5000 jeunes

Le community manager de la ville de Toulouse utilise beaucoup Snapchat à titre personnel depuis 2013 et apprécie plusieurs choses, qui ont servi à convaincre la Ville de se lancer…   – L’instantanéité : «Contrairement à Instagram, par exemple, on n’est pas obligé de s’appliquer pour faire une photo ou une vidéo»  – Le pic speech : «La possibilité d’écrire et de dessiner sur ses photos permet d’être beaucoup plus percutant que dans le schéma classique photo + légende des autres réseaux sociaux» – Le storytelling : «Les Stories permettent de faire du vrai storytelling et raconter des histoires animées de manière beaucoup plus puissantes et créatives que sur Instagram ou Vine» – Le feedback : «On est connecté avec le monde entier. C’est un argument vieux de Facebook mais encore plus vrai sur Snapchat ». Nous avons des toulousains qui nous contactent directement via Snapchat pour des questions ou des signalements».  « La Ville de Toulouse est présente sur Snapchat depuis septembre 2014, raconte Jean-Renaud Xech. Le compte a été créé en juin 2014 et a été annoncé à la rentrée après 3 mois de tests auprès d’amis à qui j’avais demandé de suivre le compte pour tester plusieurs possibilités « éditoriales ». Snapchat est pauvre en statistiques, mais voici quelques chiffres :   – Nous avons environ 3500 à 5000 abonnés. – Une SnapStory cumule en moyenne 1,5 à 3K vues – Une SnapStory est capturée 0 à 100 fois. Ce sont les Snaps avec des informations (horaires, coordonnées) qui sont le plus capturés, suivis des photos.   Les objectifs :  – L’idée était de se lancer sur Snapchat de manière complémentaire à Instagram, Twitter et Vine pour annoncer et/ou couvrir des évènements. – Susciter l’envie, la curiosité et la frustration concernant une information et/ un évènement ; – Créer un sentiment d’appartenance fort à la ville de Toulouse en faisant la promotion d’un territoire où il se passe des choses « cool ». Le public que nous visons : – Les toulousains de 16 à 25 ans qu’ils soient à Toulouse ou expatriés pour études ou travail. – Ce sont d’ailleurs les expatriés les plus attentifs   Les sujets que nous couvrons / souhaitons d’avantage couvrir : – Le sport : rugby et foot ; – La culture : les expositions à travers les vernissages, les visites de presse, etc ; – Les grands évènements : concert + feu d’artifice du 14 juillet, fête de la musique, Noël, Euro 2016, etc.  

« L’avenir de Snapchat : du social journalisme entre vlog et rich media »

Les moyens : – Je fais une SnapStory par mois, en moyenne. C’est un chiffre qui devrait devenir hebdomadaire dans les mois à venir ; – J’utilise un iPhone 6 et un iPad Air avec un stylet lorsque j’ai besoin de faire des Snapstories avec du dessin.   Les évolutions envisagées à venir : – J’ai soumis, trois fois, un Geofilter #Toulouse à Snapchat. Toujours refusé, prétextant que nous étions une marque. Mais je n’ai pas dit mon dernier mot ! – Je souhaiterais et j’espère avoir les moyens de proposer beaucoup plus d’interactions entre les toulousains et la collectivité grâce à Snapchat. Dans un style, inspiré du LPJ et de la pastille de Panayotis, avec des micro-trottoirs ou de toulousains qui participent à des évènements organisés par Toulouse ; – Je scrute de très près les Discover Channels et les Snapstories Live. C’est un modèle qui correspond au projet éditorial que nous menons et qui serait complémentaire à nos Medium Ville et Métropole, ou notre Tumblr. »   SnapchatToulouse  

« Snapchat ? Pas pour toutes les collectivités ! »

Pour finir, le Community manager de la ville rose nous livre quelques conseils pratiques. Selon lui, Snapchat « n’est pas un outil fait pour toutes les collectivités » ! « Il me semble important de d’abord se concentrer sur des outils à fort trafic comme Facebook, Twitter et Instagram avant d’envisager la création d’un compte sur Snapchat, conseille Jean-Renaud Xech. Snapchat est chronophage et nécessite d’importants moyens, humains notamment : je suis énormément de comptes US, là-bas ils ont carrément des CM / journalistes entièrement dédiés à Snapchat. C’est d’ailleurs selon moi l’avenir de Snapchat : du « social journalism », à mi-chemin entre le VLOG et les articles contenant du rich media (cf Discover). Enfin, Snapchat nécessite d’avoir matière à raconter. Il ne s’agit plus de générer du trafic sur un site via Twitter en postant un lien. On est dans une autre dimension où le contenu règne et où tout est en direct. Si vous n’avez pas d’infos, pas d’exclusivité, pas de possibilité d’aller à des évènements et de les couvrir alors ce n’est pas la peine d’aller sur Snapchat. Même pour une ville comme Toulouse, c’est compliqué.»  

Mâcon : Snapchat renouvelle l’image de la ville

andredesousaDans la ville de Mâcon, c’est André de Sousa qui est aux manettes de la stratégie de l’opérationnel sur les réseaux sociaux, directement rattaché au cabinet. « Afin de proposer un nouveau lieu d’échange et d’information à ses administrés, la Ville de Mâcon a décidé en 2014 de se lancer sur les réseaux sociaux avec la création de pages officielles sur les plateformes Facebook et Twitter, raconte André de Sousa.   Consciente qu’être présent sur les réseaux sociaux c’est renouveler l’image de la collectivité, toucher un public moins réceptif ou réfractaire à la communication institutionnelle classique, la Ville de Mâcon crée un compte Snapchat en août 2014. Ce réseau social est utilisé en majorité par des jeunes de 13 à 24 ans. C’est pourquoi la Ville de Mâcon a fait le choix de se développer sur Snapchat pour pouvoir toucher un public plus jeune, qui souvent ne consulte pas les médias municipaux traditionnels.   Le réseau Snapchat est utilisé pour une communication de l’instant, interactive avec l’envoi de photos, de clins d’œil autour de la Ville de Mâcon et de son action. Par exemple, on peut souhaiter une bonne semaine à tous les abonnés avec une belle photo de la Ville ou les inviter à participer à un événement en leur envoyant le visuel de l’affiche concernée. Proposer également des visites d’expositions, des lives d’événements : parade d’ouverture du festival Contes et lumières, par exemple…  

« Il n’y pas de statistiques, alors j’ai compté les jeunes un par un ! »

Les jeunes ont été agréablement surpris de voir que Mâcon était présent sur Snapchat. Ils sont très réceptifs et participatifs puisqu’ils envoient des messages en réponse aux publications et nous adressent eux-mêmes des snaps avec leur avis, des photos, etc.   Il n’y a pas à ce jour de statistiques établies comme sur Facebook ou Twitter mais les réponses et réactions nous confirment l’intérêt pour le compte Snapchat de la ville et la jeunesse de nos abonnés. Si le nombre d’abonnés n’est pas indiqué par l’application,  on a la liste des personnes qui nous suivent et cela représente plus de 1300 abonnés. Oui, oui, je les ai compté un par un – sourire ! Chaque Snap publié par la mairie de Mâcon est vu en moyenne 950 fois et ce chiffre est en constante évolution. »   Une belle réussite pour cette ville de 30.000 habitants, qui ose expérimenter et qui fait mouche. Ce n’est pas un hasard si Mâcon était par ailleurs dans le TOP 10 du premier classement des collectivités locales sur Instagram. Snapchat-Macon  

Saint-André : la jeunesse parle à la jeunesse

  thibault-lanoySi les grandes collectivités bénéficient d’une force de frappe et de moyens plus importants, ce sont les petites qui tirent leur épingle du jeu, car elles bénéficient souvent d’un atout de taille : leur agilité. Ainsi la ville de Saint-Adré-Lez-Lille, 10.000 habitants, arrive à être présente et active, sur tous les réseaux sociaux importants. Ici, l’agent qui gère le compte Snapchat est au service jeunesse, et Thibault Lanoy, le directeur de cabinet lui laisse une grande liberté d’actions. L’agent du service jeunesse témoigne : «Il est difficile de connaitre nos statistiques exactes , je n’arrive pas à accéder à cette information pour l’ensemble de notre utilisation, sachant que nos publications ne restent que 24h en ligne. Durant ces 24h, nous pouvons voir les nombres de vues, replay, etc.   Nous avons différents échanges avec les jeunes, certains nous envoient des questions via le chat ou bien même un snap ! Pour ce qui est de notre utilisation, elle se résume aux événements du service, au quotidien nous ne « snapons » que très rarement. En quantité, une soixantaine de contacts pour l’instant. Il est important de faire préciser que notre utilisation sert essentiellement au passage d’infos , nous ne pouvons nous permettre d’en faire une utilisation « délire » comme peuvent le faire les jeunes. A chaque période de vacances, nous communiquons sur l’existence de notre profil snapchat, ce qui nous permet d’ajouter des amis supplémentaires. L’évolution reste progressive.»     Après bientôt six mois d’utilisation et 80 amis, Thibault Lanoy, directeur de cabinet, qui supervise également la communication de la ville, trouve l’expérience positive : «Snapchat est bien un lieu d’échange instantané entre les jeunes inscrits au service Jeunesse, pas un outil de publication destiné à construire une identité – contrairement à notre page Facebook.   Le fait de ne pouvoir uploader du contenu préalablement réalisé nous oblige à rester dans une communication plus brute , moins léchée, correspondant aux publications très « amateurs » de notre jeune public. J’envie parfois les différentes chaines de l’onglet « Discover » qui propose un contenu visuel dynamique et innovant, mais finalement nous essayons de garder une certaine authenticité, pour ne pas faire fuir notre public cible qui pourrait être gêné de voir arriver une institution dans ce réseau qui est encore le sien…»    

« Il y a un effet générationnel : le CM a 28 ans, le dircab en a 35 »

 L’agent du service jeunesse archive systématiquement les contenus. Il peut arriver que certains éléments soient ensuite repris dans d’autres communications (photos, vidéos). Un choix pas banal et pourtant cohérent, qui mérite qu’on s’y attarde.

 « La gestion du compte est 100% entre les mains du service Jeunesse, tout comme leur compte Facebook, explique Thibault Lanoy. Lors d’une discussion avec la directrice du service Jeunesse je me suis aperçu que ce service avait du mal à relayer sa com’ auprès des jeunes, l’engagement sur leur page Facebook étant peu satisfaisant. La directrice pensait que Facebook était le réseau où se trouvaient les jeunes (ce qui n’est pas totalement faux, mais pas de la même manière, mais vous savez ce qu’il en est…). J’ai donc proposé à un agent plus jeune de prendre en main un compte Snapchat. Il a immédiatement adhéré au projet. Il y a vraiment un effet générationnel : il a 28 ans, j’en ai 35 , et nous étions déjà présents à titre perso sur ce réseau social ! Nous avons fait le choix de laisser la communication « Jeunesse » au service Jeunesse, avec un compte Facebook et un compte Snapchat. Abonné à tous ces outils , j’ai un regard a posteriori sur les publications. Je tiens à leur laisser un ton autonome, quitte à laisser passer quelques erreurs , pour plus d’authenticité.»

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C’est bien là tout l’enjeu : l’acceptation du droit à l’erreur dans le secteur public. Un pré-requis fondamental pour réussir sur les réseaux sociaux. Et pas une mince affaire dans certaines institutions, où les équipes tremblent derrière les murs. Le community manager a certes besoin d’un cadre, d’une stratégie et de KPI’s pour avancer, mais si ce cadre est trop contraignant, si le CM a l’impression de travailler avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, craignant pour son poste à la moindre erreur, il ne pourra jamais faire du bon travail. Preuve en est, à Saint-André, où les énergies sont libérées, comme la richesse de l’écosystème et des échanges l’atteste.

 

Romans : il est né, le divin enfant ! 

Sans titre 2La ville de Romans a lancé son Snapchat à l’occasion de Noël, donc tout récemment. S’il est trop tôt pour en tirer un vrai bilan, le service communication nous explique la démarche : « On a créé notre compte Snapchat à Noel sur les conseils précieux de nos homologues des villes de Mâcon et Saint-André. On y réfléchissait déjà depuis l’été mais on souhaitait le lancer à l’occasion d’un événement marquant : les festivités de Noel sont l’occasion idéale.  

« Nous espérons pouvoir échanger avec ceux qui veulent se lancer ! »

Pour inciter les jeunes à nous rejoindre, nous avons conjointement lancé un concours de création du Geofiltre de Romans, qui patine un peu… car pas beaucoup de participants ! Mais on espère, avec notre team de reporters jeunes, que nous avons mobilisé pour les prochains jours sur le village de Noel, que nous pourrons créer une Story spécifique. Pour l’instant, nous avons déjà réussi à intéresser près d’une centaine de personnes et nous espérons bien qu’en en parlant à Cap’Com nous pourrons ensuite échanger avec d’autres villes qui souhaitent se lancer !» Alors, si vous hésitez à vous lancer dans l’aventure, pourquoi ne pas contacter les équipes de Romans, qui vous le demandent si gentiment ? Romans-snapchat-RS

Dernier né : le Snapchat de Garges en février

geraldine-sourdotNous finirons ce tour de France par la ville de Garges-lès-Gonesse, dans la région parisienne, qui vient de faire le grand saut, début 2016. Géraldine Sourdot, directrice de la communication, nous dévoile l’envers du décor.

Les objectifs
« Garges est la ville la plus jeune de France. Nous sommes présents sur d’autres réseaux sociaux (Facebook, Twitter et Instagram) mais Snapchat nous semblait un des moyens de répondre à l’une de nos questions : comment toucher les 16-25 ans peu captifs et peu réceptifs aux supports de #compublique classiques. Alors on s’est dit pourquoi pas snapchat. Essayons, nous verrons. Et on y est depuis peu.»
La ligne éditoriale
« On débute et notre première story était plutôt « classique ». Mais la lignée éditoriale se veut « décalée », un ton « plus léger », plus surprenant par rapport aux autres supports mais sans condescendance ni « jeunisme »…Tout un programme n’est ce pas ?  Décalé mais qui donne de l’info ou, mieux, qui donne envie d’aller la chercher.» 

« Je vais être honnête, j’ai eu du mal au début ! »

 L’organisation « Pour le moment nous sommes deux : un chargé de  com, Michel Riedel, et moi même. Le circuit de validation est très court, c’est indispensable. Pratiquement, sur l’agenda de la semaine.. on a ajouté une colonne au planning des supports « réseaux sociaux »celle de « snapchat » et on y va ! Rapidement tous les membres de l’équipe com’ snapchatteront quand ils iront sur le terrain.»    

 

Les toutes premières impressions ?

« Allez je vais être honnête, j’ai eu du mal au début (encore un peu d’ailleurs), je le trouvais peu ergonomique. Quelques tutoriels sur Youtube ont aidé et Michel n’est jamais très loin.. Il maîtrise. Impression sympa aussi quand Mâcon nous a souhaité la bienvenue sur Snapchat, via notre compte Instagram où nous nous étions empressés de mettre…. notre snapcode ! Instagram et Snapchat là sont liés et clairement les 16-25 ans sont là aussi. Quant à savoir si les deux supports sont redondants… Je ne le crois pas. On en reparle dans quelques mois ? »

 

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[Mise à jour] Saint-Dizier et Châteauroux entrent dans la danse !

Une sixième ville s’est déclarée suite à la publication : bienvenue à Saint-Dizier, dont Pierre Renaud, son responsable de communication numérique, a ouvert le compte début janvier. Séance de rattrapage. Enfin, en février, Châteauroux est la 7e ville et le 1er EPCI de France à se lancer dans l’aventure Snapchat. Mais dans cette collectivité, l’organisation n’est pas banale : c’est le maire, Gil Averous, qui a pris non seulement l’initiative, mais également les commandes de Snapchat… Oui vous avez bien lu : à Châteauroux, c’est M. le Maire himself qui snape depuis le compte de la Ville… Et lorsque les jeunes en doutent, il leur envoie sa photo !  

Saint-Dizier : 6e ville de France sur Snapchat !

pierre-renaud2 « On a ouvert le Snapchat de Saint-Dizier début janvier 2016, raconte Pierre Renaud, responsable de communication digitale. L’objectif : toucher un public qu’on a beaucoup de mal à atteindre habituellement : les 15-25 ans. Être là où ils sont.  Aujourd’hui, nous avons déjà plus de 250 inscrits et plusieurs retours positifs. La ligne éditoriale ? Une communication décalée accès culture, sport, loisirs mais aussi citoyenneté. On a quelques idées pour la propreté, mais ce n’est pas encore la saison des papiers dans les parcs et jardins -sourire. Côté organisation, c’est moi qui gère, et notre graphiste fait parfois quelques dessins. » Les réactions enthousiastes des jeunes, Pierre Renaud les voit en direct : «On a souvent des visites d’élèves en mairie, et quand on leur dit qu’on est sur Snapchat, ils dégainent tous leur smartphone pour scanner notre fantôme ! » Comment s’y est-il préparé ? « Cela a été  deux mois d’observation intensive et d’auto-formation, je me forçais à l’utiliser tous les jours avec ma femme et quelques amis snapper. Histoire de capter « l’esprit », et ce n’est pas facile quand on a 36 ans – sourire. » Une dernière confidence ? « En tant que pro, j’ai hâte que mes enfants soient en âge de s’y mettre. Mais pas en tant que parent ! » Pour snaper avec Saint-Dizier, c’est ici.   snapchatstdizier  

A Châteauroux, 7e ville et 1er EPCI de France sur Snapchat, c’est le Maire himself qui snape !

Châteauroux, souvenez-vous : c’est la ville dont je vous avais parlé dans l’article sur les collectivités et Instagram, lorsqu’elle s’était retrouvée dans le premier Top 10 de France. Il était fait allusion à son maire, devenu aux détours d’une discussion sur Dragon Ball Z, l’idole des jeunes cet été sur Twitter… En ce début d’année, Gil Avérous se fait une nouvelle fois remarquer auprès du jeune public, avec une posture étonnante : c’est lui qui snape sur le compte de la ville, qu’il a décidé de créer. Et le succès est immédiatement au rendez-vous : en seulement cinq jours, le compte réunit déjà plus de 700 jeunes ! Rencontre avec un élu « so wag ».  

Gil Avérous, maire de Châteauroux et président de l'agglo

– D’Instagram à Snapchat, Châteauroux a un positionnement  très innovant sur les réseaux sociaux… Une question de génération ? Gil Avérous : « Je pense en effet que l’aspect génération entre en compte. Un élu de mon âge (42 ans) est plus en phase avec les réseaux sociaux qu’un élu de 75 ans. Je les utilisais avant d’être maire. Néanmoins, l’âge n’explique pas tout : il faut aussi comprendre que les RS, avec leurs qualités et leurs défauts, sont un élément de la vie quotidienne des Français et permettent de toucher une population qui ne passerait pas la porte des réunions publiques, qui n’oserait pas appeler le Maire ou ne prendrait pas la peine d’écrire un courrier. Bref, les plus jeunes. Je suis impliqué : je réponds en direct et publie moi même sur les profils perso – tout de même ouverts au public. Cela me permet également d’être en phase avec les sujets d’actualité. Le service com’ gère les comptes de la Ville et de l’agglomération.»  

– Que dire aux élus français qui n’ont toujours rien compris aux réseaux sociaux, en 2016, entre peur et dédain ? Gil Avérous : « Les élus qui ont un mauvais jugement sur les réseaux sociaux n’ont pas compris que ces outils présentent au contraire de formidables avantages pour eux. Cela fait remonter plus vite les infos du terrain et cela permet une certaine proximité directe, appréciée par les habitants.»

 

« Lorsque des jeunes ont un doute,  je leur fais un selfie pour preuve ! »

– Quels sont vos objectifs de communication, votre ligne éditoriale ? Et combien de jeunes espérez-vous toucher ainsi ? Gil Avérous :  « Sur Snapchat, c’est simple : je souhaite que ce compte soit une petite souris qui me suit. Cela permet de montrer l’actualité de Châteauroux aux jeunes qui ne lisent ni le journal chaque matin, ni le magazine de la collectivité, ni ne regardent France 3. Bref la majorité des adolescents et jeunes adultes. Sans s’en rendre compte ils s’informent. Aujourd’hui j’ai partagé une vidéo sur une conférence de presse concernant le label Grande École Numérique que nous venons d’obtenir et les nouvelles formations sur le campus. Encore une fois, je n’ai pas de but de nombre d’abonnés. En 24h j’en ai eu près de 500… Cinq jours après l’ouverture, ils sont plus de 700 ! Je n’imaginais pas qu’autant de personnes suivrait le compte de la ville. J’ai un accès et je réponds directement aux messages privés quand j’en ai l’occasion. Des fois, des jeunes ont un doute et je leurs fait un selfie pour preuve !»  

« Si on recopie un texte validé en amont, autant ouvrir un blog et revenir en 2004. Les gens ne recherchent plus ça. »

– C’est donc vous qui gérez le compte de la ville : l’organisation n’est pas banale ! Demandez-vous à valider également les autres supports ?  Gil Avérous : « Les comptes institutionnels sont gérés par le service communication. Les comptes à mon nom, et le compte Snapchat, le sont directement par moi et un collaborateur au cabinet. Je ne valide rien. Ça va à l’encontre du principe des réseaux sociaux : il faut de la réactivité et être vrai et naturel. Si on recopie un texte validé en amont, autant ouvrir un blog et revenir en 2004. Les gens ne recherchent plus ça.»    

– Et dans vos selfies, y a-t-il du vomi magique ? (sourire)  Gil Avérous : « Non je ne serai pas le 1er maire à utiliser Lense. Un homme politique n’est pas non plus un clown et doit garder une certaine crédibilité. (sourire)»

 

alexis-rousseauIl peut sembler étonnant que ce ne soit pas Alexis Rousseau, son directeur de la communication, qui soit à l’initiative et aux commandes de l’outil. Cela méritait donc une petite explication…

« Snapchat, c’est vraiment l’idée du Maire, confie Alexis Rousseau. J’étais plutôt dubitatif et, finalement, je me suis laissé convaincre. Et du coup, ça cartonne aussi ! Les jeunes délirent pas mal avec les filtres. L’important, c’est d’être dans le coup, de suivre les tendances et de cibler une population précise, les jeunes. Ce qui est moins vrai avec Facebook – même ma grand mère s’y est mise, elle a 80 ans – et Twitter.» 

Le rôle de la COM dans tout ça ? «Reste à déterminer avec le webmaster la façon dont on interagit avec les utilisateurs. Sur des opérations spéciales par exemple : concerts, festivals, spectacles…

Sinon c’est le créa de la Com’ qui a fait les filtres, le webmaster les a envoyé à notre contact aux USA pour faire valider les emplacements et la géolocalisation. Un vrai travail d’équipe. Le maire avait annoncé qu’il y aurait bientôt des filtres et depuis leur sortie ça fait un peu le buzz. » Et Alexis Rousseau n’est pas peu fier de ses filtres : « Là, pour le moment, on a plutôt mis à disposition des outils pour que les utilisateurs s’en servent : ce sont des filtres « officiels », faits par la Ville, avec le rappel du logo. Celui du skate park rend bien ! » 

Skate park Châteauroux et son filtre Snapchat

 

Ils ont fait le grand saut !

 

👻 Vous êtes lancés, ça y est ? Signalez-vous ici !  Je ferai point sur vos usages et retours d’expérience cet été… Qui parie sur le nombre de collectivités qui seront alors sur Snap’ ?

C’est d’abord la ville de Poissy, qui entre dans la danse.

Puis, rien de moins que la 2e ville de France : Marseille !

La @villemarseille débarque sur Snapchat https://t.co/xkoGwAM2Fl pic.twitter.com/ZQv1qyBbb9

La ville de Roubaix aussi !

 

Ils sont à fond…

 

Brief mag, janvier 2016 :

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Snapchat in facts

Et pour clore ce long dossier, trois chouettes article, un tutoriel et deux infographies intéressantes. Côté articles, celui de Guillaume Rouan, qui vous invite à engager votre marque sur Snapchat, avec des best practices. Celui de Barbara Chazelle également, directrice de la Prospective chez France Télévisions, qui donne quelques comptes intéressants à suivre et explique comment les ajouter. Enfin, l’excellente synthèse d’Olivier Cimelière, expert numérique et auteur du Blog du communicant 2.0 : « Si tu n’as pas Snapchat, as-tu raté ta vie de communicant ? » Côté tuto, le mini-guide que le CRIJ Rhône-Alpes vient d’éditer pour les Bureaux et Points Information Jeunesse. Côté infographies, la première donne des chiffres sur l’usage de Snapchat en France. La seconde montre l’impressionnante montée en puissance de l’application et la compare aux autres réseaux sociaux. Elle progresse bien plus vite que Facebook à ses débuts et qu’Instagram chez les adolescents !   Tutoriel Snapchat (pour les BIJ) du CRIJ Rhône-Alpes 

 Infographie n°1 (AmbasadR, avril 2015)

 

infographoe-snapchat-ambasadr

 

  Infographie n°2 (WebPageFX, novembre 2015)

 

infographiesnapchatwebpageFX

 

Si avec tout ça, je n’ai pas réussi à vous convaincre de la puissance de Snapchat et de la pertinence d’y réfléchir dans vos prochaines stratégies, c’est que vous êtes trop vieux pour ces questions old ! Blague à part, chacun a le droit de préférer d’autres voies, mais personne ne pourra empêcher que roule jeunesse : et c’est toujours elle, en matière de réseaux sociaux, qui trace le chemin. À bon entendeur…

 

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A vous la parole !

déclarations qui seront retenues contre vous :

Consultant indépendant | Digital lover | Communication publique et corporate | Auteur, formateur et conférencier | Fondateur de l'Observatoire socialmedia des territoires | Membre-fondateur DébatLab | Ex directeur agence Adverbia et blog-territorial

 

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