NationBuilder, Digitalebox : les nouvelles machines à gagner les élections ?

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Petite devinette : quel est le point commun entre Alain Juppé, Donald Trump et Jean-Luc Mélenchon, dans leurs stratégies présidentielles ? Si, si, il y en a un, cherchez encore : la façon dont ils recrutent leurs futurs électeurs ! Avec ce même logiciel venu des Etats-Unis, dont tout le monde parle : NationBuilder.

Si NationBuilder semble d’abord concerner la communication politique, son usage est loin de s’y limiter et il trouve une résonance chez de nombreux communicants publics et corporate. C’est d’ailleurs suite à une discussion passionnante avec l’un d’entre eux, Philippe Gallo, directeur général adjoint des Pennes-Mirabeau et enseignant à l’IMPGT, qu’est née l’idée de cet article. Après Damien Filbien et Benjamin Teitgen, Philippe est donc le troisième invité de ce blog, pour nous faire visiter le cœur du réacteur NationBuilder, dont il est expert.

Enfin, après une conclusion empruntée à Olivier Cimelière, Vincent Moncenis, co-fondateur et Président de DigitaleBox, nous présentera son plus sérieux challenger français. Non seulement pour le côté « french touch », mais parce qu’il propose des solutions plus éthiques et adaptées à la communication publique. 

Voici tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le fichage électoral sans jamais oser le demander…

[Mise à jour du 11/05] Découvrez les précisions de Toni Cowan-Brown, V.P. Europe de NationBuiler et la présentation CiviCRM par François GombertCliquez ici pour y accéder directement.

NationBuilder : immersion au cœur du réacteur

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« D’abord une courte histoire – en même temps, elle n’est pas très longue – de ce logiciel. Il a été imaginé par Jim Gilliam, un entrepreneur web qui a une relation quasi mystique à l’internet (Voir son livre The Internet is my Religion : au moins ça a le mérite d’être clair, mais quasi messianique…) qui a voulu recréer pour tout le monde les méthodes employées par Barack Obama et le logiciel Blue State lors de sa première élection présidentielle en 2008. NationBuilder a rapidement essaimé aux Etats-Unis, la plupart des candidats l’utilisent, lui, ou un concurrent, mais est resté assez confidentiel en France et en Europe. La première utilisation française reconnue fut celle de Patrick Mennucci dans sa candidature aux primaires de la gauche à Marseille. Elle fut couronné de succès à la surprise quasi générale. Il est vrai que dans un scrutin à faible participation où la mobilisation de ses partisans est fondamentale, NB (on va l’appeler comme ça, c’est plus simple) présente de sacrés atouts mais l’on y reviendra.

Autre surprise en Europe, le référendum sur l’indépendance de l’Ecosse. Parti dans les tréfonds sondagiers, les indépendantistes écossais ont failli arracher la victoire. Là aussi, l’utilisation de NationBuilder a contribué de façon capitale, selon les leaders du parti indépendantiste, à l’émergence de ce courant dans l’opinion sans que personne ne l’ait vu venir. Du coup, tous les partis politiques français s’y sont mis… D’ailleurs outre les candidats, le site de Les républicains est construit sur la plateforme NB.

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« Ouvrons le capot reluisant, et mettons les mains dans le cambouis du moteur »

Pourquoi un tel engouement ? Est-ce réellement efficace ? Quels enseignements pouvons nous en tirer ? Beaucoup de questions qui méritent pour envisager des réponses que l’on soulève le capot reluisant de NB pour rentrer un peu dans son moteur. NB, c’est la boite à outils du communicant politique 2,0. A l’intérieur on y trouve, tout ce qui est nécessaire à bien cerner le profil de ces électeurs (administrés?) potentiels… D’abord la base de données. Elle renferme toutes les informations possibles sur les membres de la Nation que vous voulez construire (en fait, votre communauté, vous l’aurez compris). Bon parfois, ces infos dépassent le cadre de ce qui est légal en France. NB est un logiciel américain donc il n’hésitera pas à vous proposer de choisir, couleur, religion, lien de parenté, etc. Oui, ici cela nous effraie mais les Anglo-Saxons, eux, n’ont pas cette culture…

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En France, évidemment, il ne faut pas oublier et c’est même la première chose à faire, de déclarer son fichier ainsi que sa destination à la CNIL. Une petite précision mais de taille, ces données sont bien évidemment stockées sur les serveurs de NB à Los Angeles… Alors, cette base de données comment est-elle alimentée ? Plusieurs voies sont possibles. La première est simple. Il s’agit du recueil de l’e-mail ou de l’adresse de la personne qui se connecte pour la première fois sur le site de son futur engagement. Jusque là rien d’extraordinaire, c’est une façon de faire des plus banales. Avec quand même dans le moteur de NB, une grande place qui est faite à la géolocalisation…

« Plus vous avez de personnes référencées dans la base de données, plus vous payez »

L’adresse permet de disposer les engagés volontaires sur des cartographies très présentes dans l’interface de gestion qui permettent de redécouper les territoires à volonté et de croiser les données géographiques avec toutes les autres données récupérées sur les engagés. Le nombre et la façon de croiser les données sont d’ailleurs illimités. Ainsi, l’on peut quartier par quartier, pâté de maison par pâté de maison, essayer de recouper les préoccupations des personnes référencées.

NationBuilder

Il est également possible d’alimenter directement la base de données en y insérant le fichier électoral d’un endroit précis mais le nombre de personnes inscrites va croître en flèche, rendre difficile son exploitation et augmenter le prix de l’abonnement à NB. Oui, NB, se rémunère comme cela. Plus vous avez de personnes référencées dans la base de données, plus vous payez. Le ticket d’entrée pour 5000 noms se situe à 30 € par mois, mais les conditions changent régulièrement.

« Chaque interaction sur les réseaux sociaux est tracée »

Il existe cependant une façon plus insidieuse d’être repéré par NB. La plateforme est complètement connectée aux différents réseaux sociaux des émetteurs de ladite plateforme. Ainsi, chaque interaction que vous effectuerez sur ces réseaux sociaux sera retracée le tableau de NB.

Votre compte Twitter, Linkedin ou profil Facebook sera alors intégré dans la base de données et vous serez considérés comme un possible prospect… Libre ensuite aux administrateurs du site de vous contacter pour savoir si vous désirez aller plus loin dans votre engagement et donc fournir des informations complémentaires et les actions que vous seriez susceptibles de mener. Car le principe de NB est d’être un logiciel extrêmement centralisé au niveau de la base de données et de permettre, avec des niveaux d’autorisation assez complexes, à des dizaines, voire centaines de bénévoles/militants d’administrer leurs propres réseaux.

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« Les données de tous vos sites sont dans la même base »

C’est la deuxième particularité de NB. Il s’agit d’un CMS permettant la création d’autant de sites internet que vous voudrez et qui pourront être animés par vos engagés. Avec bien sûr une récupération des données sur la base centrale… Et chacun de ces sites vous permet d’organiser tout ce qu’il est possible d’organiser à partir d’un site internet classique.

Alumni engagement solutions for the new world from NationBuilder

D’un événement, allant de la présence, à l’achat de billets, jusqu’à une collecte de fonds – utiles en période électorale – mais pas que… Bref, NB est une boite à outils complexe et extrêmement complète.

« Un petit SMS le jour de l’élection, c’est capital pour mobiliser »

Mais au-delà du recueil d’information NB est aussi un formidable outil de communication général et ciblé. Si vous avez laissé votre téléphone, vous serez, en fonction de la stratégie choisie, contacté par téléphone ; par courrier, si vous n’avez laissé que votre adresse, etc. Vous l’aurez compris, un petit SMS à quelques heures d’une élection nécessitant une forte mobilisation, des primaires, par exemple peut être capital pour les candidats. Ce n’est pas pour rien si la plupart d’entre eux, aujourd’hui, utilisent ce système. Il faut signaler NB, s’il est le premier entrant sur ce marché des plateformes qui intègrent autant de fonctionnalités n’est pas le seul. Des solutions françaises existent qu’il s’agisse de 50+1 (NDLR: logiciel de porte-à-porte), Corto (NDLR: logiciel de modélisation en cartographie de big data) ou DigitaleBox (NDLR: présenté ci-après), ces sociétés proposent des fonctionnalités équivalentes.

Alors, NationBuilder est-il l’ingrédient miracle des futures victoires électorales ? Sans doute pas, car désormais, tous les candidats utilisent les atouts du web 2.0 pour rallier de nouveaux suffrages. Ce genre d’outils est semble-t-il nécessaire en complément des instruments traditionnels et il n’est efficace que si le message qu’il véhicule provoque l’engagement. Est-ce qu’un jour, cet outil dépassera le simple cadre de l’élection pour déboucher sur une plateforme de Gestion de la Relation Citoyen ? Peut-être certains seront-ils tentés ? »

Philippe Gallo

Voir sa biographie
Titulaire d’un DEA de science de l »information de l’ENSSIB (Ecole Nationale Supérieure des Sciences de L’Information et des Bibliothèques), j’ai d’abord pigé dans de nombreux medias et agence de com graphique. Mon entrée dans le monde de la com publique s’est faite par l’intermédiaire de l’Agtence Régionale Pour L’Environnement (ARPE) PACA, puis la com d’une petite Ville. Je suis passé par le magazine Accents du Conseil Général des Bouches du Rhône pour atterrir en tant que directeur de la communication de la Ville des Pennes-Mirabeau (20 000 habitants, Bouches-du-Rhône), dont je suis devenu DGA en 2010 et depuis. Je suis également expert certifié de NationBuilder et intervenant à l’Institut de Management et de Communication Publique (IMPGT)

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En guise de conclusion

Merci Philippe pour cette chouette visite guidée ! Pas grand chose à ajouter, si ce n’est que NationBuilder n’a fait que digitaliser et importer des techniques de marketing politique parfaitement décomplexées aux US, qui existaient bien avant les réseaux sociaux, et même internet… Mais qui peuvent légitimement bien faire grincer des dents en France, notamment lorsqu’on parle de classification suivant l’origine ethnique, les préférences sexuelles ou pratiques religieuse. Vous me direz qu’il suffit de ne pas remplir la petite case, mais quand même ! Sans parler du fait d’héberger toutes ces données (très) personnelles aux Etats-Unis : candidats de France et de Navarre, la NSA vous remercie

C’est pourquoi je tenais, dans la foulée, à vous présenter DigitaleBox, l’outil de mobilisation qui présente la plus sérieuse alternative, aujourd’hui, à mes yeux en France… Grosso modo, il propose la même chose, à quelques variantes près, comme le fait de ne pas imposer de CMS (j’aime) ; mais ce logiciel en Saas a surtout le mérite d’être français et d’avoir une démarche plus éthique et totalement conforme aux lois européennes. Et vous verrez qu’il y a des usages possibles, très différents des élections ! Pour les entreprises, comme dans les domaines du marketing territorial, de la communication publique, ou de la vie associative notamment.

Mais avant cela, et en guise de conclusion, permettez-moi de reprendre un extrait de l’article d’Olivier Cimelière, au titre prophétique « Communication : verra-t-on disparaître un jour ce trop récurrent syndrome de la boîte à outils ? », dont je partage le petit agacement. Pour lever un peu le nez du logiciel et marteler une fois encore, que non, le web participatif, ce n’est pas qu’une simple boite à outils, et surtout que les internautes ne sont pas dupes : ce sont avant tout l’authenticité de la démarche et (heureusement) les contenus des programmes qui comptent ! Alors, que les néophytes ne s’y trompent pas : ce n’est pas encore le logiciel qui fera l’élection demain – même s’il y contribue de plus en plus aujourd’hui… En attendant le jour, où les candidats seront des robots ?

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« Vite, un outil et on va tout résoudre ! »

olivier-cimeliere« Ce léger agacement vient de me saisir à nouveau avec la lecture récente des nombreux articles consacrés par la presse au logiciel Nation Builder qui est actuellement la coqueluche des partis politiques en France tous bords confondus. Nation Builder est l’illustration emblématique de ces pratiques qui pensent décrocher la timbale communicante en s’achetant le dernier outil informatique à la mode. Non pas que ce dernier soit une arnaque. Loin de là. Conçue en 2009 par Jim Gilliam, cette plateforme en ligne permet de constituer et gérer des bases de données auprès d’un public visé, d’inviter les personnes identifiées à se mobiliser pour une cause en faisant des donations financières et/ou en favorisant à leur tour la viralisation de contenus argumentaires, le tout à travers un site Web dédié qui brasse ensuite en permanence les données collectées pour amplifier et affiner la dynamique d’un mouvement. Aux Etats-Unis (Barack Obama en tête et dont l’outil est lui-même inspiré de la campagne de porte-à-porte électronique du candidat en 2008), les politiciens de tous horizons se sont vite emparés de l’outil pour mener leurs opérations électorales. Il existe même une version désormais disponible pour les entreprises qui veulent mettre en place de manière similaire des opérations de marketing automatisé comme le pétrolier Chevron, le site Airbnb ou encore l’opérateur télécoms Telefonica.

« Quand Menucci remercie… NationBuilder ! »

En France, Nation Builder a surgi pour la première fois sur la scène politique en 2013 à Marseille durant l’investiture pour défendre les couleurs du Parti Socialiste aux futures élections municipales de la cité phocéenne. A l’époque, la bagarre fait rage entre Samya Ghali et Patrick Menucci. La première ira jusqu’à mettre des mini-bus gratuits à disposition pour inciter les gens des quartiers à aller voter tandis que le second expédiera plus de 12000 SMS aux 24 000 personnes inscrites. Or, cette « prouesse » technique (à la limite du spam dirais-je) était précisément due à l’usage de Nation Builder. A tel point que le soir du résultat où Patrick Menucci l’emporte de 300 voix d’écart sur sa rivale, ce dernier aura un mot de remerciement pour … les équipes de Nation Builder, persuadé sans doute qu’il leur devait ce coup de rein militant décisif pour gagner. Depuis, l’outil est plébiscité en masse par les candidats qui affûtent déjà leurs armes rhétoriques pour les primaires de leur parti et la présidentielle de 2017.

Capture d’écran 2016-04-30 à 02.08.54« Nation builder, ce faiseur d’élection » sur Europe 1

En plus du PS qui a entretemps formé des militants au maniement de l’outil, d’autres figures notoires ont adopté Nation Builder comme Alain Juppé, Bruno Le Maire, Nathalie Kosciusko-Morizet, Nicolas Sarkozy mais aussi Jean-Luc Mélenchon (NDLR : cliquez sur ces sites pour retrouver leur « air de famille » ! ) et probablement d’autres encore qui n’osent pas forcément assumer ouvertement cette industrialisation digitale du militantisme politique.

En revanche, un point est systématiquement commun à tous ces thuriféraires de Nation Builder : ils vont forcément faire la différence grâce à l’outil ! Chercheuse et auteure d’une thèse sur le militantisme en ligne, Anaïs Théviot ne dit pas autre chose : « C’est une vision très marketing, très technique, un militantisme pragmatique, rationalisé (…) un changement dans la manière de concevoir les campagnes électorales, avec l’image d’un marché politique où l’électeur est un consommateur et le candidat un produit ».

« On se calme et on boit frais ! »

Nation Builder n’est pas le seul outil de communication digitale à exciter les directeurs marketing et communication. On ne compte plus les logiciels de veille, d’identification, d’automatisation, de tracking et de viralisation qui promettent monts et merveilles aux marques et aux entreprises si celles-ci se décident à les utiliser dans leurs dispositifs communicants. Parmi eux, il existe effectivement d’excellents outils qui permettent effectivement de gagner un temps précieux dans la récolte et le traitement des données électroniques recueillies sur le Web, les médias sociaux et les bases de courriels. Mais le paradoxe de cette efficacité décuplée est qu’il vient encore un peu plus nourrir cette vision purement technologiste de la communication. En d’autres termes, il suffit d’installer l’outil, configurer quelques paramètres, appuyer sur un bouton et recevoir peu de temps après la récolte sous forme de camemberts multicolores, d’histogrammes bigarrés et autres livrables soigneusement packagés pour rendre l’info plus digeste et forcément parfaite. »

Olivier Cimelière

Voir sa biographie
Issu de l’école traditionnelle des livres et de l’encre qui tâche les doigts, j’ai ensuite embrassé l’expérience numérique. En parallèle, j’ai été formé à la rigoureuse école du journalisme d’abord à la République du Centre à Orléans (sous la houlette de deux journalistes que je tiens à remercier : Philippe Renaud et Christian Bidault), au Celsa et au cours de quelques aventures passionnantes en radio (Radio France Landes, Radio France Drôme, RMC) avant de bifurquer par hasard de l’autre côté du décor pour la communication d’entreprise (Boehringer Ingelheim, Nestlé Waters, Ericsson, Google et Ipsos). Depuis mars 2013, j’ai fondé Heuristik Communications, un cabinet de conseil en stratégie de communication et de gestion de la réputation pour les dirigeants, les entrepreneurs et les personnalités publiques. Du côté obscur de la force diraient certains esprits chagrins pour lesquels un journaliste rejoignant les rives de l’entreprise est forcément un être sans foi, ni loi. Il n’empêche que cette rigueur éditoriale, cet art de la synthèse et cette obsession de l’interrogation et du recoupement m’ont toujours permis de ne pas concevoir la communication d’entreprise comme une mallette cosmétique à paillettes forcément roses et à messages incantatoires qu’on est prié de croire expressément. Les dircoms ne sont pas tous des barbouzes qui jonglent sans état d’âme entre intox savamment dosée et mensonges habilement bétonnés. La communication peut aussi se pratiquer intelligemment et sans muselière, ni fumigènes. Avec toute la palette des médias existants aujourd’hui, sans exclusion, ni opposition. Et pour ceux qui ne pourraient vraiment pas se dispenser d’un cursus académique plus détaillé, ils peuvent toujours visiter mon CV en ligne ! Ou encore mes publications sur Linkedin Pulse.

 

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3 questions à DigitaleBoxe, son challenger .fr

1 Bonjour Vincent. DigitaleBox se positionne en concurrent de NationBuilder, pouvez-vous nous expliquer la différence ?

Vincent MoncenisVincent Moncenis : DigitaleBox est un outil de mobilisation : il va permettre à un élu de communiquer sur son action politique sur le terrain et en assemblée tout au long de son mandat, mais aussi pendant la campagne électorale. La plateforme devient la base de données du site, des réseaux sociaux de l’utilisateur et de ses bénévoles sur le terrain, chaque nouveau contact est synchronisé automatiquement dans la base de données.

« Un point non négligeable : nous payons nos impôts en France ! »

Oui aujourd’hui NationBuilder est un concurrent américain sur le marché français, les deux produits sont tous les deux des logiciels d’organisation de communauté mais ils ont été construit dans deux cadres bien différents. Notre logiciel a construit pour le cadre français d’un point de vue culturel mais aussi du point de vue de la gestion des données. Toutes les données de nos utilisateurs sont hébergées en France et non à l’étranger.

Tutoriel DigitaleBox Version entreprises & administrations from DigitaleBox

Nous suivons au plus près les recommandations de la CNIL et avons été audités récemment : la puissance publique suit ces évolutions et l’arrivée d’éditeurs de logiciels étrangers de très près. De plus un point non négligeable, DigitaleBox est une société française, nous payons nos impôts en France.

« Autre différence majeure : nous n’imposons pas un format de site web »

L’autre différence majeure est que nous n’imposons pas un format de site web, les clients sont libres de développer sur la plateforme (CMS) de leur choix. Nous avons estimé que DigitaleBox n’aurait pas présenté de valeur ajoutée et ne serait qu’une charge financière inutile pour les utilisateurs sans cette ouverture. Nationbuilder a fait un choix inverse en imposant son propre CMS, couteux pour les clients et déconnecté du reste du web, ce choix est contestable lorsqu’on y oppose une plateforme tel que WordPress qui héberge 30% du web mondial, les plugins de référencement y sont gratuits, les templates aussi ou très peu cher, un client peut donc créer son site web lui-même pour un usage simple ou le faire réaliser par une agence de son choix.

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Enfin, une autre différence est la gestion des réseaux sociaux, dans sa logique d’ouverture, DigitaleBox donne tous les outils aux utilisateurs pour trouver de nouveaux contacts et de sortir d’un cercle fermé, pour ne pas se retrouver à prêcher uniquement auprès de militants déjà convaincu ou de ne converser qu’avec le community manager du camp d’en face, ou encore pire de n’avoir que des trolls pour interlocuteur. DigitaleBox permet de véritablement gérer des conversations avec des citoyens sur des sujets d’intérêts communs et de construire des communautés à partir de 0 sur des thématiques précises.

2 D’un point de vue purement citoyen, peut-on craindre un « fichage électoral » généralisé avec le développement de ce type de logiciels ?

– Vincent Moncenis : On ne peut pas raisonnablement le craindre dès que l’on se penche sur le sujet, précisons tout de suite qu’il n’existe pas de fichier global, étant donné que chaque client gère ses propres données. Rappelons aussi que les clients ne gèrent sur ces logiciels que les données qui leurs ont été confiées, ainsi que les données des listes électorales, fichier accessible à tous les citoyens du moins en France.

« Le scandale des écoutes de la NSA qui a éclaté l’an dernier montre bien les contradictions françaises »

J’en ai déjà parlé dans la question précédente, la CNIL, la puissance publique suit ce sujet de près. Le seul risque se situe dans l’accord Safe harbour qui permet aux éditeurs américains de gérer les données de leurs clients européens, il n’y a malheureusement pas aux Etats Unis d’égalité de traitement entre les données des utilisateurs américains et les données des utilisateurs européens. Il y a aussi un raisonnement à avoir en France, une question de cohérence et de souveraineté technologique, le scandale des écoutes de la NSA qui a éclaté l’an dernier montre bien nos contradictions, comment s’indigner d’être écoutes si nous offrons les données sur un plateau ? Comme disent les américains : si vous n’êtes pas assis à la table, vous serez au menu.

Cartographie legislatives circonscriptions résultats vote digitalebox
3 Est-ce que les usages peuvent dépasser le simple cadre de l’élection pour déboucher un jour sur une plateforme de Gestion de la Relation Client/Citoyen ? Ou permettront de relier les deux ? 

C’est déjà le cas ! Chez DigitaleBox nous avons une version « Entreprise et Administrations » que nous proposons depuis peu aux collectivités, dans le cadre de leur mission de communication publique.
Dépouillé des outils partisans et politiques, cette version permet à une collectivité de rassembler ses données, d’utiliser DigitaleBox comme la base de données du site internet, des réseaux sociaux, de la liste d’envoi newsletter et SMS, ainsi que les sites web annexes à une collectivité (médiathèque, centre culturel, sportif) ce mode décentralisé permet également à des agents de saisir les informations directement dans la base de données.

« Les collectivités peuvent rassembler les données de tous les services »

Pour beaucoup de collectivités c’est aussi l’occasion de rassembler facilement les données de différents services pour mieux communiquer sur le service aux usagers ou l’actualité de la collectivité.

Gestion des campagnes emails, twitter DM, SMS

Une autre fonctionnalité que ne propose pas NationBuilder ? L’identification de nouveaux contacts par centres d’intérêts, DigitaleBox permet de sortir du circuit fermé constaté sur les réseaux sociaux, pour ne plus converser qu’avec les mêmes personnes mais élargir son cercle.

L’outil permet de détecter de nouveaux contacts inconnus jusque là et ayant avec le client au moins un centre d’intérêt en commun, possibilité de gérer les conversations, interactions, de suivre ses nouveaux contacts dans la base de données et de faire croître la communauté. Exemple : les personnes conversant au sujet du TER ou Écoles. Cette fonctionnalité permet à une collectivité de détecter des contacts n’ayant pas identifié jusque là la collectivité sur les réseaux sociaux…

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PS : voir le portrait de Vincent par Sébastien Bourguignon :

#PortraitDeStartuper #7 – DigitaleBox – Vincent Moncenis
from Sébastien Bourguignon

— Mise à jour du 11 mai 2016 —

3 questions à la VP Europe de NationBuilder

Suite à la publication de l’article, NationBuilder a souhaité rectifier quelques éléments de langage, notamment sur les questions de légalité et conformité avec la CNIL. C’est en effet un point sensible, sur lequel ils planchent actuellement. Voici l’entretien avec Toni Cowan-Brown , V.P. Europe de NationBuilder

toni-cowan-brown-nation-builder1 Bonjour Toni. Quelles sont les prochaines évolutions de Nation Builder pour le marché français ou européen ? Notamment sa conformité totale avec la CNIL ?

– Toni Cowan-Brown : Par rapport à la conformitée à la CNIL, il y a un élément essentiel : nous sommes une plateforme et un service provider. Ce n’est pas NationBuilder qui doit être conforme à la CNIL mais bien nos utilisateurs Français,  ce que la CNIL elle-même a confirmé. Toutes les données appartiennent à nos utilisateurs et ne nous appartiennent pas : c’est l’un des éléments qui nous différencie sur le marché !

Nous allons travailler avec la CNIL, pour faire en sorte d’avoir toutes les informations nécessaires. Notre but est d’aider nos utilisateurs Français et de s’assurer que leurs données, ainsi que la collecte des données soient conformes à la législation française. La majorité de nos utilisateurs sont déjà au courant des conformités nécessaires mais on veut pouvoir offrir tout le support nécessaire à nos utilisateurs. C’est un projet sur lequel on travaille, je ne peux pas vous en dire plus pour le moment.

« Récemment, on a adapté les champs de la base de données à la législation européenne  »

Pour le reste, les évolutions dépendent des besoins majeurs de nos clients Européens. On tient cette page à jour, en restant à l’écoute et en s’adaptant. Ceux qui nous connaissent savent que nous faisons continuellement évoluer le produit, afin de l’adapter au marché européen (plus spécifiquement le Royaume Uni et la France, pour le moment). Récemment on a ainsi ajouté le découpage électoral français, et adapté les champs de la base de données à la législation européenne, ou encore la possibilité de construire des sites dans d’autres langues que l’Anglais…

2 Qu’est-ce qui distingue NationBuilder des autres solutions concurrentes, comme DigitaleBox ou CiviCRM ?

– Toni Cowan-Brown : Je vous invite à découvrir ce guide NationBuilder, mis en place sur Facebook par l’un de nos experts Québécois.

On considère qu’on a pas vraiment de compétiteurs. Si quelqu’un n’utilise pas notre plateforme il est sans doute entrain d’utiliser une combinaison de différents programmes et outils. On propose toutes les fonctionnalités nécessaires pour organiser une campagne digitale. Notre API est ouverte, ce qui permet à nos utilisateurs de construire sur notre plateforme et ajouter d’autres éléments qui leurs sont nécessaires. On est fondamentalement créé pour les ‘leaders’ de ce monde !

3 Un dernier mot, quel est votre rôle au sein de NationBuilder et combien de personnes y travaillent ?

– Toni Cowan-Brown : En tout, on est environ une centaine d’employés chez NationBuilder. En Europe, l’équipe est encore petite mais elle grandit rapidement. Je m’occupe du marché européen.

NDLR : merci à Toni Cowan-Brown pour ces rectifications sur la « légalité » de NationBuilder, qui n’a jamais été en cause dès lors qu’on s’en sert dans ce cadre. Toutefois, pas réponse sur l’épineuse question de l’hébergement des données ; les serveurs restent pour l’instant aux Etats-Unis et même si la roadmap évoque de futurs hébergements « en Europe », il n’a pas été évoqué de le faire en France…


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3 questions à François Gombert sur CiviCRM

Toujours suite à la publication de l’article, vous êtes plusieurs à m’avoir indiqué CiviCRM comme concurrent potentiel. Plutôt dédié à la Civic Tech, CiviCRM est en fait un « système de gestion des associations et des organisations sans but lucratif, conçu pour le web ». Mais comme il est OpenSource et gratuit, toutes les adaptations sont également possibles dans les champs public et politique. Présentation par François Gombert, fondateur de CivicTechFr.

francois-gombert

1 Bonjour François. Qu’est-ce qui différencie CiviCRM des deux logiciels présentés dans l’article ? A qui s’adresse-t-il ?

– François Gombert : comme NationBuilder ou DigitaleBox, CiviCRM est une solution de CRM (customer relationship management) mais cette plateforme est libre et gratuite. Une autre de ses spécificités est la possibilité de l’intégrer dans différents CMS : Drupal, WordPress ou Joomla.

CiviCRM est pensé pour accompagner les associations, les organismes à but non-lucratif ou les organisations non-gouvernementales dans leurs campagnes de lobbying et de mobilisation citoyenne. En effet, ces organisations n’ont pas forcément les moyens de se doter de logiciels propriétaires comme ceux présentés dans l’article. D’autres souhaitent, par conviction, se tourner vers du libre.

2 Quels usages peut-on imaginer dans le champ public  ?

– François Gombert : CiviCRM permet principalement de gérer les relations avec les différents publics et de les organiser avec des outils comme des newsletters, des campagnes de sensibilisation ou de mobilisation autour d’événements, de causes…

« Plutôt réservé aux associations et aux ONG »

L’utilisation de ce logiciel dans la sphère publique est plutôt réservée aux associations, ONG… De grands acteurs comme la Wikimedia Foundation, Amnesty International, ou encore l’Unesco l’utilisent déjà ou l’ont utilisé, notamment pour d’importantes opérations de collecte de financement et d’actions humanitaires.

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Je ne crois pas que CiviCRM soit utilisé aujourd’hui par des collectivités territoriales. On devrait d’ailleurs s’interroger sur les outils utilisés par celles-ci pour gérer leur relation avec les publics. J’ai le sentiment qu’aujourd’hui, un grand nombre de collectivités s’interroge encore sur l’organisation à mettre en place pour répondre efficacement aux emails envoyés par les citoyens.

« Imaginer d’autres formes d’outils relationnels pour mieux accompagner, co-construire, mobiliser, évaluer…  »

On pourrait pourtant imaginer d’autres formes d’outils relationnels pour mieux informer, mieux cibler, mieux répondre aux demandes, mieux accompagner, consulter davantage, co-construire, mobiliser, évaluer et améliorer en continu l’efficacité des dispositifs. À quand une relation au citoyen d’aussi bonne qualité que celles mises en place dans les meilleurs services consommateurs ?

Le CEO de SeeClickFix a partagé dans un post ses recettes pour un projet Civic Tech réussi. L’une des plus intéressantes : la nécessité d’une expérience du citoyen qui rivalise avec la meilleure des expériences utilisateur. Il ajoute que si les consommateurs deviennent fans des produits qui collent à leurs besoins, les usagers des services publics pourront créer cette relation avec leurs institutions pour les mêmes raisons.

C’est l’un des grands enjeux pour les collectivités : mettre en place des technologies civiques pour améliorer la gestion de la relation et de la mobilisation citoyenne. Mais attention aux recettes miracles : il ne suffira pas de 3 clics et d’un outil, il faudra repenser toute la communication publique.

CiviCRM


3 
Qu’est-ce que la « technologie civique » et quel ADN un logiciel doit-il avoir pour faire partie de cette nouvelle famille ?

– François Gombert : Il n’y a pas de définition officielle, mais selon la Knight Foundation qui consacrait en 2013 un rapport sur l’émergence de la Civic Tech, le secteur se veut « à la croisée de la technologie, de l’innovation, d’un gouvernement ouvert et de l’engagement du citoyen ».

De mon point de vue, l’ADN du logiciel « civique » doit lui permettre d’offrir la possibilité à un citoyen ou à un groupe d’individus de s’engager, d’influer sur les politiques publiques ou de mieux les comprendre. Cette nouvelle famille est donc assez large : des pétitions en ligne, en passant par des outils d’intelligence collective comme ceux qui ont permis de co-construire la loi numérique, ou encore un comparateur de programmes politiques comme celui de Voxe.org.

Enfin, se pose la question de l’ouverture du code : doit-on exclure les logiciels propriétaires des CivicTech ? Même si je reste persuadé de l’importance du libre et donc de l’ouverture pour les collectivités, je ne crois pas qu’on puisse exclure des solutions comme Nation Builder et DigitaleBox dans leur version collectivité, ou encore Change.org et ses audiences qui sont de véritables acteurs numériques du changement en France et dans le monde.

NDLR : pour en savoir plus sur le projet Civic TechFr de François Gombert, cliquez ici. Et pour découvrir toutes les fonctionnalités de CiviCRM, cliquez ici. On notera la bonne surprise d’une version 100% française de CiviCRM (la version originale est ici) mais la nécessité de posséder quelques connaissances informatiques minimales pour l’installer : à déconseiller aux néophytes, donc.

 

 

 

A vous la parole !

déclarations qui seront retenues contre vous :

Consultant indépendant | Digital lover | Communication publique et corporate | Auteur, formateur et conférencier | Fondateur de l'Observatoire socialmedia des territoires | Membre-fondateur DébatLab | Ex directeur agence Adverbia et blog-territorial

 

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