Le web 2.0 : une simple « boite à outils » ou des enjeux qui dépassent le digital ?

Parce que les internautes se sont approprié le web, les prestataires se sont multipliés, les technologies sont devenues plus accessibles, les applications web se sont déployées en open source et les temps de développement des sites ont été considérablement réduits, offrant des solutions beaucoup moins onéreuses qu’auparavant. Pour schématiser la nouvelle donne du Web 2.0 : d’un côté la collectivité fera de très grosses économies en coûts techniques, mais de l’autre il lui faudra nécessairement investir dans l’humain et des contenus de qualité, pour alimenter et animer ses dispositifs. Les usagers réclament désormais des sites dynamiques et multimédias et délaissent ceux qui ne suivent pas cette évolution… Ils peuvent difficilement comprendre que le service public ne propose pas le même service et niveau d’interactivité que « le blog du coin » ! Si la collectivité refuse d’investir le Web 2.0, ils pallient le manque des services de communication en créant et animant eux-mêmes la page de la collectivité. Aux risques et périls de celle-ci, le jour où elle se réveillera. Car, dans ce contexte, la collectivité qui resterait « bloquée au stade 1.0» prendrait tout simplement le risque de perdre le contrôle de l’information.

Avec ces outils et l’esprit Web 2.0, la communication est, et doit plus que jamais devenir horizontale. À l’image du concept de François Laurent (coprésident de l’ADETEM, créateur du blog Marketing is dead et auteur du livre « Marketing 2.0 — l’intelligence collective »), les internautes, « qui discutent entre eux sur la toile, sont comme de gentilles grenouilles qui coassent entre elles ; communiquer verticalement, c’est comme jeter un pavé dans la mare… et se demander pourquoi elles s’enfuient!» L’hégémonie de la minorité aux pouvoirs (économique, politique ou sociale) a été bouleversée par cette nouvelle organisation horizontale de la société. À l’heure où chacun peut s’exprimer, nous passons du « one to many » au « many to many ». La relation et le dialogue via les commentaires, feedbacks et témoignages sont aujourd’hui incontournables. La communication devient partagée et non plus propriétaire. Le citoyen-internaute est au cœur du Web 2.0, comme il est au cœur de la collectivité. Il participe au Web 2.0 et donc désormais à la communication sur la vie de son territoire.

Alors s’agit-il seulement d’un « média de plus » pour envoyer ses informations en mode push, à l’instar des panneaux lumineux, du Minitel ou même des répondeurs téléphoniques ? Pire, comme le criaient certains « experts » et autres désillusionnés de Second Life, d’un effet de mode ? On le sait aujourd’hui : il s’agit d’une lame de fond mondiale, échappant aux pouvoirs publics et médias traditionnels, comme d’un point de non-retour. En effet, qu’on se le dise, une bonne fois pour toutes : plus jamais le web ne reviendra au temps 1.0 des sites vitrines ! Et jamais les internautes ne rendront ce pouvoir d’expression qu’ils ont pris aujourd’hui. À l’ère du web instantané, des outils collaboratifs et avec « l’âge de maturité » des réseaux sociaux (y compris d’entreprise), on perçoit aisément qu’il s’agit d’une vraie révolution des usages, des outils de travail mais aussi des méthodes de l’émetteur. Un mouvement général et mondial, auquel les collectivités locales ne pourront échapper, malgré leurs spécificités. Révolution incontestable dans le champ professionnel de l’information, d’abord. Vous souvenez-vous, comment on travaillait « avant Internet » et quel était le rôle d’un(e) documentaliste pour un journaliste ? Révolution dans le champ éditorial aussi, comme dans la chaîne de l’information également, puisque les sujets chauds sont désormais logiquement traités sur le web, les froids revenant au support papier. Vous souvenez-vous du temps où il fallait que le contenu du journal papier soit validé pour que l’information « ait le droit » d’être publiée sur le site Internet ? Révolution, encore, dans la circulation de l’information, à l’heure du web instantané et des parapheurs électroniques. Vous souvenez-vous du temps des parapheurs papiers, qui s’empilaient par palettes devant le bureau de l’élu et devaient parfois attendre plusieurs mois avant de revenir signés ?… direz-vous un jour !

Non, le « deux zéro » n’est pas une simple « boîte à outils », c’est avant tout, un « état d’esprit », de nouvelles méthodes de travail et une philosophie, qui n’a pas fini d’impacter les organisations, bien au delà du web. Quand Marc Thébault, directeur de la communication de Caen-la-Mer, évoque le « 2.0 », il se prend à rêver : « On a le droit d’ouvrir les principes du 2.0 à autre chose que le digital. Puisque cette nouvelle vision du web est une triple consécration — celle de l’humain comme finalité première et de l’intelligence collective, celle de la fluidité et de la simplicité de l’accès à l’information et celle de la coproduction et du partage — pourquoi ne pas l’appliquer aussi aux supports traditionnels de la communication publique ? À quand un magazine 2.0 rédigé en grande partie par des habitants-rédacteurs en chef d’un jour ? À quand une accessibilité de tous les outils de communication aux non ou mal voyants ? À quand une communication 2.0 qui soit à la portée de tous, comme le sont nos éditions papier distribuées en général « toutes boîtes » ? À quand un événement 2.0 co-conçu, coréalisé par les habitants ? À quand un journal interne 2.0 vraiment géré par les agents eux-mêmes ? »

C’est aussi l’avis d’Éric Legale, directeur d’Issy Media, pour qui le 2.0 va bien au delà du digital, parce qu’il correspond à l’essence même des services publics, impacte en profondeur les organisations, et fait évoluer la fonction de communicant — qui passe inexorablement de producteur d’informations à « co-constructeur » avec les habitants. Pour lui, « le web a élargi nos cibles et nos horizons et nous devons suivre nos publics : ils nous retrouvent partout sur Facebook, Twitter, Foursquare ou Pinterest. Aujourd’hui, les citoyens demandent à être associés de plus en plus tôt dans l’élaboration des projets urbains. Par exemple, la nouvelle version d’Issy 3D, que nous ouvrons aux contributions des internautes dans le cadre du projet européen Epic, a fait l’objet de trois cycles de tests en temps réel avec le public pour nous permettre de proposer une application la plus proche des attentes. Mais cela vaut aussi pour des projets d’aménagements (nous venons de boucler six mois de « conversations citoyennes » pour collecter la vision des habitants sur la ville de demain : 1 700 habitants y ont participé et près de 5 000 contributions, suggestions, idées ont été collectées). »

C’est parce qu’ils bouleversent en profondeur les organisations et impactent réellement les méthodes comme la chaîne de travail, que les enjeux du Web 2.0 dépassent largement le digital. La stratégie de la collectivité pourrait- elle devenir, à terme, la première pierre d’une réflexion plus globale sur l’essence même de l’organisation ?

Mise à jour de l’article initialement publié sur blog-territorial.

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Consultant indépendant | Digital lover | Communication publique et corporate | Auteur, formateur et conférencier | Fondateur de l'Observatoire socialmedia des territoires | Membre-fondateur DébatLab | Ex directeur agence Adverbia et blog-territorial

 

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