Classement des collectivités locales sur Facebook, Twitter: et l’engagement, alors ?

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Ce ne sont pas les enquêtes sur « les collectivités et les réseaux sociaux » qui manquent. Elles font plaisir à celles et ceux qui se retrouvent sur le podium (quoi de plus normal ?) mais laissent souvent un goût amer d’inachevé voire de travail bâclé. Pire : en se contentant de primer « celui qui a la plus grosse » (liste de fans), elles laissent croire aux néophytes (et à certains élus), que c’est le seul critère de réussite d’une présence sur les réseaux sociaux !

Il y a trois ou quatre ans, peut-être… certainement plus maintenant. Ce serait faire fi du premier « retour sur investissement » significatif des réseaux sociaux (principal critère de mesure aujourd’hui) : l’engagement !Ce serait également oublier nombre de variables et d’indicateurs bien choisis, qui permettent actuellement de mesurer l’efficacité d’un dispositif.

Dépasser le concours de la plus grande liste de fans

Le principal objectif de la nouvelle approche méthodologique proposée est donc avant tout de dépasser « le concours de la plus grande liste de fans », comme l’écrivait Benjamin Teitgen dans cet article fondateur de notre démarche. Bref, aller au-delà de l’aspect purement quantitatif des chiffres que se contentent de relever, à froid, les autres baromètres : car « il serait totalement illusoire de se baser sur ce seul indicateur pour juger du succès ou de l’échec d’une présence sur Facebook. ». Pour ce faire, nous avons donc non seulement pondéré ces résultats en fonction de l’audience potentielle de chaque collectivité, mais surtout à l’aune du taux d’engagement de leurs cibles et d’une véritable analyse qualitative de leurs stratégies déployées. Pour aller plus loin encore, nous avons même contacté tous les services de communication pour comprendre leur mode d’organisation et connaître leurs objectifs.

Aucune méthode parfaite n’existe

Bien évidemment, notre méthodologie ne saurait prétendre à toute forme d’exhaustivité (les « réseaux sociaux » ne se résument pas à Facebook et Twitter, il est bon de le rappeler !) ni de « vérité » : aucune méthode parfaite n’existe et toute étude est forcément limitée dans le temps, donc une photographie à l’instant T ! La grille de critères qualitatifs se fonde par exemple sur le taux d’engagement, lui même calculé sur Facebook en fonction du « nombre de personnes qui en parlent », critère forcément volatile puisqu’il dépend de l’actualité éditoriale comme de l’agenda de la collectivité. On peut également le calculer ainsi : (nombre de « j’aime » + partages + commentaires sur un post) / (nombre de fans à l’instant du post) x 100. Afin d’introduire d’autres variables, nous avons également analysé sur une période d’un mois, la fréquence de publication, la diversité des contenus (vidéo, photo, lien), la nature du contenu (autocentré ou ouvert). Les améliorations et agréments de la page (cover, naming, utilisation des onglets) ont également été pris en compte. Enfin, un entretien avec chacune des collectivités a été mené afin de préciser davantage les données collectées et le mode organisationnel.

Classer, sans mise en perspective le nombre de fans est un non-sens

L’aspect quantitatif n’a pas été abandonné pour autant : vous retrouverez également un classement traditionnel par nombre de fans, toutefois pondéré par le potentiel de chaque territoire (nombre d’inscrits sur le réseau pour l’enquête sur Facebook et les grandes villes, nombre d’habitants de 15 ans et plus pour toutes les autres)… Car classer, sans mise en perspective le nombre de fans de régions, départements ou villes démographiquement très différents, n’est-il pas encore un non-sens ? Enfin, tous ces résultats seront analysés, interprétés et nous vous invitons bien sûr à les commenter.

Au total, il y a donc, pour chaque strate territoriale, deux études (Facebook et Twitter) et trois classements : qualitatif, quantitatif et global. C’est au carrefour de ces trois angles et de cet éventail de critères variés que se dessinera un bilan de la présence 2.0 des collectivités territoriales.

(Étude #1) Facebook : des régions très sociales

Nous avons enquêté auprès des 22 régions de la France métropolitaine, auxquelles s »ajoutent la Corse, ainsi que les quatre départements d »outre-mer (DOM) de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion, reconnues comme des régions depuis 1982. L’analyse qualitative des posts a été réalisée sur la semaine du 18 au 22 juin 2012 et les autres chiffres de l’analyse ont été relevés le 13 juillet. Ces critères forcément volatiles ne constituent donc qu’une photographie à un instant T.
Nous n’avons recensé que les pages et non les profils car – nous ne le répéterons jamais assez – ils constituent un format totalement inadapté pour une collectivité : étant réservés aux personnes physiques, ces profils risquent d’ailleurs d’être supprimés par Facebook à tout moment, sur simple signalement. Les groupes n’ont pas non plus été recensés car leur nouveau format est tout saut « opt-in » et bien trop intrusif : une majorité d’internautes s’y retrouvent « de force » et doivent faire l’effort de s’en désinscrire. Enfin, nous avons seulement recensé les pages généralistes et officielles : les pages « touristiques », « thématiques », indépendantes et non officielles ne sont pas prises en compte dans le champ de cette étude, ce qui ne remet nullement en cause leur importance au sein d’une vision plus globale de la stratégie digitale.

Le volet quantitatif a bien sûr son importance : à quoi bon communiquer si la page ne réunit pas un minimum de citoyens ou n’a pas d’audience ? Mais l’objectif est cette fois de pondérer cette quantification en fonction du nombre d’habitants de plus de 15 ans (chiffres Insee 2009), afin de comparer ce qui est comparable. Notre unité de mesure est donc la portée de chaque page, pas le simple nombre de fans. Et avec cette méthode de calcul, première surprise : c’est la Guadeloupe qui arrive en tête !


Etude Facebook et les régions 

(Etude #2) Twitter : les régions peinent à prendre leur envol

Certes, on est encore loin des 25 millions de membres du « réseau des réseaux » et il faut savoir que la grande majorité des comptes sont inactifs ou en veille. Souvent, l’apparente simplicité de l’outil déconcerte, et celui-ci demande au préalable l’apprentissage de certains codes de langage. Mais la courbe de croissance de « l’oiseau bleu » est exponentielle, pour ne pas dire malthusienne… Souvenez-vous : en 2010, Twitter réunissait seulement 225 000 utilisateurs en France, principalement des blogueurs, geeks, communautés professionnelles (sciences, journalisme, art, pub, communication, jeux vidéos etc.) – et globalement, on peut le dire, une certaine élite intellectuelle. C’est dire son incroyable progression en seulement deux ans, tout comme sa démocratisation auprès de la « ménagère de moins de 50 ans » – rebaptisée pour l’occasion « digital mum » ! Pour parachever l’œuvre, les adolescents qui ont longtemps préféré MSN Windows Live ou le chat Facebook, plébiscitent désormais Twitter et y ont débarqué en force cet été. Beaucoup fuient un Facebook trop « pollué » et surveillé par les parents, pour y retrouver une forme d’ «entre soi ».

Dans ce contexte, et à la lumière de cette nouvelle source d’audience « massive », il est certain qu’une grande partie des stratégies digitales des territoires devront être bientôt réévaluées. L’an dernier encore, les collectivités ciblaient « naturellement » le grand public et les jeunes sur Facebook ; tandis que Twitter leur servait surtout à toucher la presse et les « influenceurs », dans une approche beaucoup plus « quali ». Demain, il en sera forcément autrement. Et demain se prépare aujourd’hui…


Etude Twitter et les régions 

(Étude #3) : « Seuls 19% des départements ont un community manager et 47% une page institutionnelle sur Facebook »

Ce troisième volet de notre étude sur les collectivités et les réseaux sociaux s’attache donc à l’usage que les départements français font de Facebook, le « réseau star » réunissant plus de 25 millions de Français. Nous avions vu, dans notre première enquête, que les régions s’en sortaient plutôt bien. Le bilan, pour cette strate territoriale, est plus contrasté : si 61% des Départements ont compris l’intérêt d’être présent seuls 47% possèdent une page institutionnelle, 19% ont un Community manager et la qualité est loin d’être toujours au rendez-vous. Les taux d’engagements sont plus faibles et 5 « mauvais élèves » persistent à utiliser un profil Facebook au lieu d’une page.

Quels départements se distinguent des autres en offrant une page de qualité ? Le Var, Les Ardennes et les Côtes d’Armor pour l’étude quantitative. Tandis que la Vienne, les Landes, le Bas-Rhin arrivent, eux, en tête des classements qualitatif et général.Nous avons enquêté auprès des 101 départements de la France métropolitaine et d’outre-mer (DOM). L’analyse qualitative des posts a été réalisée la semaine du 18 au 22 juin 2012. Ces critères, forcément volatiles, ne constituent donc qu’une photographie à un instant T.


Etude Facebook et les départements 

(Étude #4) : Seuls 40% des départements ont un compte Twitter

Focus sur l’usage de Twitter par les départements, dans ce quatrième volet de notre étude sur « les collectivités et les réseaux sociaux ». Nous avions vu récemment que, contrairement à Facebook, l’oiseau bleu n’était pas le fort des Régions. Qu’en est-il pour les départements ? Force est de constater que le bilan est encore plus mauvais, puisque seulement 40% d’entre-eux possèdent un compte et 20% un community manager. À l’heure où les adolescents et le grand public s’emparent massivement de Twitter, seuls certains Conseils généraux sortent du lot. Ni l’intérêt, ni l’enjeu, ni encore moins les codes de l’outil ne semblent avoir été compris.

Pour l’approche qualitative, nous avons gardé la même méthode d’analyse que précédemment avec les régions. De quelle façon la collectivité communique-t-elle avec ses habitants ? Sur quels sujets échange-t-elle? A-t-elle automatisé son fil Twitter ? Quel est son rapport aux autres utilisateurs ? Se sert-elle de l’outil de façon optimale ?  Le ratio followers / following est-il bon ? Les contenus éditoriaux sont-ils 100% auto-centrés traduisant une incapacité à sortir de l’auto-promotion ? La fréquence des tweets (dont la durée de vie n’excède généralement pas, on le sait, 2 à 3 minutes) est-elle suffisante ? Le taux d’engagement (nombre de retweets et mentions divisé par le nombre de followers x 100) montre-t-il un impact des messages sur les cibles et surtout la participation de celles-ci ? Ou bien les tweets font-ils « plouf » en tombant dans l’oubli ? Quelle en est l’audience effective (nombre de personnes uniques ayant vu au moins un tweet de la collectivité, que ce soit en direct ou via les retweets) ? Le nombre de RT et mentions (qui montre l’ouverture aux autres et au dialogue de la collectivité) est-il suffisant ou inexistant ? Après passage au peigne fin de tous ces critères, ce sont les Landes, les Hauts-de-Seine et la Seine-Saint-Denis ainsi que le Gard que l’on retrouve en haut du podium.


Étude Twitter et les départements 

(Étude #5) : Les grandes villes décollent enfin sur Facebook

Après les régions et les départements, notre étude porte sur l’usage que font les grandes villes de Facebook. L’une des plus attendues, elle réactualise la première du genre, que nous avions publiée en 2010 et qui, relayée par 20 Minutes, avait fait grand bruit en révélant une présence timorée des collectivités, tandis que les pages non officielles raflaient toute l’audience. Elle lui donne également une nouvelle dimension avec l’analyse, outre l’aspect quantitatif, de la qualité des publications – reflétant notamment le taux d’engagement, un nouvel indicateur ayant fait son apparition ces deux dernières années et considéré aujourd’hui comme l’un des principaux critères d’une présence réussie. Qu’en est-il deux ans plus tard ? Les grandes villes ont-elles su s’emparer de ce « club affectif » et « intimiste » réunissant 25 millions de Français ? Voici les résultats de ce nouveau volet, relayé par La Gazette des Communes.

Le premier constat est éloquent. Elles étaient moins de 30% en 2010, aujourd’hui près de 80% des villes sont présentes sur Facebook via une page officielle ! On ne peut que se féliciter de ce très grand pas en avant… Mais brisons tout de suite la glace : si les villes sont moins frileuses, elles ne glissent pas encore toutes sur la neige de la professionnalisation ! En effet, seules 28% ont un poste dédié de Community Manager en interne ou externe. Et les pages non officielles continuent d’avoir le plus souvent un meilleur succès.

Etude Facebook et les grandes villes 

(Étude #6) : 60% des grandes villes présentes sur Twitter mais avec un niveau très disparate !

On peut légitimement penser que Twitter a désormais franchi « le point de basculement » en France, « ce moment magique où une idée, une tendance ou un fait de société passe un seuil, bascule, puis se répand comme un feu de broussailles » comme l’écrivait Malcom Gladwell [1]. Alors qu’ils étaient à peine plus de 200 000 à « gazouiller » en 2010, ce sont plus de 8 millions de Français qui tweetent aujourd’hui [2]. Plébiscité par les médias, dont l’hashtag (« mot-dièse », pardon) devient le premier outil de la TV connectée (mais aussi des radios branchées), adopté massivement par les ados, pour qui Facebook se ringardise, et qui y passent moins de temps, comme par les seniors, qui apprécient son ouverture sur le monde, Twitter n’est plus seulement, qu’un outil pour « toucher la presse et les influenceurs » – comme vous l’expliquait votre serviteur dans cette vidéo tournée l’an dernier… et c’est la grande nouveauté de 2013 ! C’est dans ce contexte, que le sixième volet de notre étude se propose de faire un point complet et précis sur l’utilisation que les grandes villes font aujourd’hui de ce média. Si les usages ont changé, qu’en est-il des stratégies ? Les grandes villes sont-elles présentes et leur audience suffisante ? Se servent-elles de l’outil à bon escient ?

Première (bonne) surprise : les villes de plus de 100 000 habitants sont 60% à posséder un compte Twitter, ce qui les place en première position, devant les régions et départements. Bémol : elles ne sont que 10 à avoir confié cette tâche à un professionnel (communément appelé « community manager ») et, forcément, cela se ressent plus loin dans le volet qualitatif…
Premiers chiffres généraux révélés par cette étude, sur les 41 villes de plus de 100 000 habitants :
– 25 tiennent un compte (61%)
– 10 ont confié cette tâche à un community manager (24,5%)
– 20 ont plus de 1000 « followers » (abonnés)
– 2 twittent moins de 2 fois par jour
– Les services de communications des grandes villes sont les premiers impliqués dans l’origine de la création des comptes, à raison de 44% tandis que 16% des pages sont issues de la volonté commune de plusieurs services. Enfin, dans 20%  des cas, les comptes sont créés suite à la volonté du pôle multimédia ou au conseil d’agences de communication.

Etude Twitter et les grandes villes 

Post Scriptum
Nous avons épluché chaque critère de l’étude, en détail, avec Marc Cervennansky, Benjamin Teitgen, et les acteurs de la communication publique réunis lors des rencontres numériques Cap’Com, organisées à Issy-les-Moulineaux, en octobre 2013. Voir la vidéo ?

 

Article initialement publié sur blog-territorial.

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Consultant indépendant | Digital lover | Communication publique et corporate | Auteur, formateur et conférencier | Fondateur de l'Observatoire socialmedia des territoires | Membre-fondateur DébatLab | Ex directeur agence Adverbia et blog-territorial

 

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