Pourquoi mettre en place un réseau social interne ?

 

Cap’Com publie un extrait du livre « Maîtriser sa communication publique numérique » co-écrit par Benjamin Teitgen et votre serviteur. A lire ici.

 

Seulement 13% des intranets des collectivités sont de véritables réseaux sociaux internes. Les freins ne manquent pas : hiérarchie, usages, fracture numérique, moyens humains et budgétaires. Pourtant les collectivités ont tout à gagner à évoluer vers un intranet collaboratif.

Deux experts actifs au sein du réseau Cap’Com, Franck Confino et Benjamin Teitgen, qui viennent de publier un dossier Territorial « Maîtriser sa communication publique numérique » (*), nous éclairent sur l’indispensable réseau social interne que devraient mettre en œuvre les collectivités.

POURQUOI ÉVOLUER VERS LE RÉSEAU SOCIAL INTERNE

Les transformations numériques, la nécessité de travailler ensemble de manière plus transversale, l’ampleur du social média comme l’expansion du numérique mobile ont engendré un changement de paradigme, tant sur l’émetteur de la communication que sur le récepteur, qui impacte indéniablement les relations et modes de travail.
Les collectivités doivent désormais intégrer cette donne dans leurs usages tant en externe qu’en interne, comme le font la majorité des grandes entreprises… Il n’y a pas d’autre possibilité que d’être bien outillé pour faire face à la montée en puissance du numérique, à l’inévitable GRC et préparer le big data RH.

Le réseau social interne (RSI) est un intranet collaboratif et tourné vers l’utilisateur. Véritable média social restreint au monde du travail, il permet à chacun d’échanger avec ses pairs de manière souple, de se rapprocher par centres d’intérêt, besoins, voire points de vue, et de ne recevoir que l’information qui lui est nécessaire. On l’appelle aussi « réseau social d’entreprise » (RSE). En 2017, si son usage est encore restreint en collectivité, la réflexion est elle souvent engagée. Marc Trilling résume parfaitement en une phrase les enjeux qui sont de « passer d’un intranet basé sur la gestion de contenus et la collaboration en mode projet, à un modèle centré sur l’utilisateur. »

Workflow simplifié et fluidifié, le RSI est avant tout un espace de communication interne qui permet de manager autrement, de répondre aux attentes des agents et d’identifier les expertises des collaborateurs. Bousculant le schéma hiérarchique traditionnel, pyramidal et descendant des collectivités locales, le projet est en lui-même un moment fédérateur et une opération de communication interne impliquant direction générale des services (DGS), direction des systèmes d’information (DSI), ressources humaines (DRH), direction de la communication et tous les services. Oui, vous l’avez bien lu : tous les services, tous les agents, en seront les utilisateurs finaux. On comprend la nécessité d’une horizontalité très forte à l’échelle de tous ces projets, d’une « concertation » avec tous les services et d’un accompagnement au changement.
Il permet également de partager les retours d’expérience, d’échanger des idées ou des projets, de capitaliser les savoirs (y compris les savoirs informels) ou encore des documents entre individus, et d’échanger en public et de manière nominative.

QUELS FREINS EXPLIQUENT LE LENT DÉVELOPPEMENT DES RÉSEAUX SOCIAUX INTERNES

Vu tous les bénéfices d’un RSI, pourquoi le champ public a-t-il mis alors autant de temps à s’en emparer ? Les raisons sont multiples.

Déjà, l’intranet a toujours été historiquement le parent pauvre dans les collectivités locales. Parmi les paradoxes qui ont ensuite freiné le développement du réseau social interne, il y a l’idée que, censé relier les hommes au sein des organisations, celui-ci accentue la fracture numérique entre les agents équipés d’un poste informatique et les autres. Cet argument est aujourd’hui balayé par les réseaux sociaux internes mobiles, sécurisés et accessibles depuis le smartphone personnel de chacun. Autre raison : long à mettre en place dans sa phase stratégique comme opérationnelle, le RSI nécessite de dépasser la phase expérimentale pour en deviner le bénéfice futur ; les désagréments sont donc à assumer pour cette mandature, les bénéfices éventuels pour la suivante…, d’autant que ceux-ci sont généralement difficilement mesurables. Il faut donc, reconnaissons le, un certain « courage politique » pour le mettre en place. Enfin, l’outil nécessite à la fois d’être standardisé pour s’adapter à toutes les professions et évoluer avec tous les usages, mais également d’intégrer de nombreux outils avec des spécificités propres aux métiers et services très différents que regroupe la collectivité. D’où des coûts de développement souvent encore importants.

L’outil peut encore être perçu par certains comme une « contrainte supplémentaire », voire un outil « inutile » et les résultats sont très mitigés. Souvent lancés en mode expérimental, sans véritable « logiciel de référence » et nécessitant de lourds développements spécifiques pour chaque client, les RSI ont fait essuyer les plâtres aux primo-utilisateurs, en laissant aux cadres un goût amer d’échec. Dans beaucoup d’entreprises, la différence entre la « promesse » et le résultat opérationnel est telle que l’utilisateur final reste désabusé. Que pense l’employé de la SNCF ayant vu se succéder une dizaine de projets expérimentaux successifs avec des fonctionnalités, objectifs et cibles différents ?
Souvent lancés sans stratégie également, c’est-à-dire sans avoir posé la problématique propre à l’entreprise, des objectifs quantifiables et des méthodes d’évaluation, ces outils n’ont aucune légitimité au niveau managérial. À force d’être des « usines à gaz » et des « expérimentations », les RSI ont déçu. On peut même dire qu’ils n’ont aucun sens s’ils ne sont pas accompagnés par une « révolution culturelle 2.0 » au sein de la collectivité, et de beaucoup de pédagogie.

Mais là où ça bloque le plus souvent, c’est au niveau des hiérarchies, que le réseau social « met à terre » comme l’écrit Fabrice Jobard. La diffusion non contrôlée d’informations confidentielles, un réel risque, qui justifie souvent à lui seul de ne pas déployer un tel outil. Le haut de la hiérarchie craint alors toutes sortes de débordements possibles, la base s’offusque d’un risque de « flicage ». Pour réussir, ce projet aura donc besoin d’être accompagné par une vision moderne et une volonté forte des élus ou de la direction générale des services : la démarche est tout sauf illusoire. Restent ensuite les circuits de validation parfois complexes et nébuleux des « directions adjointes de services », qui complexifient les circuits. La perception des réseaux sociaux comme source de distraction reste, quant à elle, une idée reçue persistante, qui provoque souvent un rejet de la hiérarchie. Enfin et surtout : l’essence même du RSI se heurte frontalement à la culture traditionnelle de la collectivité : celle des « hommes de l’ombre » mais aussi, n’ayons pas peur de le dire, celle du secret, du cloisonnement et même, dans des cas extrêmes, d’une attitude empreinte de paranoïa. Ce changement de paradigme, c’est d’abord une approche centrée sur les individus : mise en avant des compétences, échanges personnels souples, vision personnelle du réseau, rapprochement par centre d’intérêt, etc. Le principe va encore un peu à l’encontre du système de la fonction publique territoriale (le diplôme de rédacteur ou d’attaché n’étant pas lié à une spécialité métier mais à une compétence globale). Cela implique aussi de nouvelles formes de communication : des échanges publics où chacun peut intervenir, une historisation des propos, des communications nominatives, des discussions transverses ; et, enfin, de nouvelles formes d’accès à l’information, comme la prise en compte des expertises des collaborateurs sans voie hiérarchique.

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